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Fin de vie : arrêtons de caricaturer la Belgique qui a montré la voie du progrès - Libération

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Communiqué
10 janvier 2023
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Depuis vingt ans, notre voisine offre aux malades la possibilité de recourir à une aide active à mourir. Des propos mensongers circulent en France sur cette législation, auxquels nous devons mettre fin, estime le professeur de médecine Jean-Louis Touraine.

Au moment où la France, entendant plus de 90 % de ses citoyens, s’apprête à corriger les lacunes des lois sur la fin de vie, des rumeurs sont colportées, des voix se font entendre pour discréditer les pays qui nous ont précédés dans ce progrès. On dénonce en particulier de prétendus scandales survenant au quotidien en Belgique, telle l’histoire très médiatisée de cette survivante des attentats de Bruxelles de 2016, déjà suivie pour «souffrance psychologique incurable», et dont la demande d’euthanasie a abouti en 2022.

Ce pays a introduit dans sa législation, il y a vingt ans, l’objectif de développer les soins palliatifs et, simultanément, la possibilité pour les malades qui en font la demande itérative de bénéficier d’une aide active à mourir. Bien évidemment, celle-ci n’est accordée qu’aux patients avec maladie incurable, très évoluée et source de souffrances inapaisables.

Ainsi, dans ce pays comme dans un nombre croissant de pays européens, américains et d’Océanie, les malades en impasse thérapeutique sont entendus et, lorsque leur dossier est conforme au texte exigeant d’une loi de compassion, peuvent être aidés à mourir en évitant une agonie pénible, si tel est leur souhait.

Des propos mensongers fleurissent en France sur les pratiques belges. Non, l’accès à l’euthanasie n’y est pas accordé à toute personne qui la réclame par trois fois, même quand elle ne présente pas de maladie. Non, le nombre des aides actives à mourir n’augmente pas de façon exponentielle, sans contrôle ni évaluation. Non, madame la présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, cette «aide ultime» ne subit pas actuellement une croissance de 16 % par an mais elle reste au contraire stable, représentant chaque année entre 2,5 et 3 % de l’ensemble des décès. Non, les malades français ne sont pas rares en Belgique : en 2017, sur 464 demandes provenant de l’étranger, 354 (en non 20 ou 30) concernaient des patients français. Toutes ces sollicitations n’ont pas conduit dans chaque cas à une pratique euthanasique car certaines ont été jugées prématurées ou non conformes au cadre précis de la loi belge. Non, l’euthanasie n’est pas pratiquée pour une cécité. Non, aucune personne âgée n’est «exécutée» pour «soulager» la famille ou la société. Non, les enfants autistes ne sont pas assassinés (1).

Chacun reconnaît la qualité et le dévouement des professionnels des soins palliatifs mais il est erroné de prétendre que le développement de l’aide active à mourir entrave le déploiement des soins palliatifs, lesquels sont davantage répandus en Belgique qu’en France. Non, l’accès aux soins palliatifs et celui au choix de sa propre fin de vie ne doivent pas être des propositions contradictoires mais plutôt des droits offerts aux malades concernés.

Pourquoi de tels propos mensongers ? Pourquoi de tels anathèmes ? Pourquoi ne pas reconnaître que la Belgique a su se doter de lois et d’un encadrement précis sur cet important sujet et qu’ainsi elle a vu décroître les risques de dérives qui existent encore dans les pays pourvus de lois insuffisantes ?

Pourquoi ne pas reconnaître que le «mal-mourir» existe encore en France davantage qu’en Belgique ? Comment expliquer, sinon, le nombre de nos concitoyens en phase avancée de leur mal incurable qui franchissent la «frontière» pour finir leurs jours à l’étranger (quand aucun Belge ne vient en France avec cette intention) ?

Molière le savait déjà, «qui veut noyer son chien l’accuse de la rage». Quelques-uns, dont la philosophie traditionaliste est parfaitement respectable, s’autorisent des contre-vérités beaucoup moins acceptables. Se sentant aujourd’hui très minoritaires, ils se croient autorisés à l’usage de mensonges et de propos abominables sur nos voisins du nord pour discréditer un courant de pensée… ce qu’ils avaient fait dans le passé, lors de la loi sur la PMA pour toutes et, il y a plus longtemps, sur l’IVG… Déjà, à ces époques, les Françaises et les Français se tournaient vers des pays voisins pour obtenir des solutions aux problèmes que notre pays tardait à régler.

Que les propagateurs de «fake news» ne s’inquiètent pas ! La courtoisie belge préviendra de tout courroux excessif les personnes blessées par de tels propos et seule la digne réserve répondra aux calomnies.

Merci à nos amis belges de montrer la voie du progrès sociétal. Merci à eux de secourir les Français dans la détresse. Merci d’être indulgents avec les réactionnaires «qui ne savent pas ce qu’ils font».

Un jour viendra où ces derniers s’excuseront de leurs propos outranciers. Ils feront alors amende honorable et rendront hommage au peuple belge, à son gouvernement et surtout à ses professionnels de santé, si dévoués non seulement à leurs malades mais aussi aux nôtres.

(1) En référence à des propos ­tenus par l’ex-archevêque de Paris Michel Aupetit, alors encore en poste.

Par Jean-Louis Touraine, professeur émérite de médecine, député honoraire.

 

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