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La mort médicalement assistée est-elle compatible avec l’accompagnement médical en soins palliatifs ?

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Communiqué
14 septembre 2022
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En effet le docteur Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) a dit que l’euthanasie n’était pas un soin et que, de ce fait, cela n’était pas compatible avec la prise en charge palliative.

D’emblée, la question indique que le médecin est au centre du débat et ce débat regarde plus l’acte médical dans sa plus haute fonction que le philosophe, le spécialiste de l’éthique, le religieux, qui ont une voix consultative, certes importante mais seulement consultative. Le politique intervient en dernier recours pour mettre en place la partition.

Et cette partition était déjà mal partie en 1999 avec la première loi Kouchner, puisqu’elle excluait, sans le dire, le médecin généraliste de la prise en charge de la fin de vie, en l’obligeant à signer un contrat de travail avec un service de soins palliatifs pour pouvoir continuer à accompagner ses patients en fin de vie. Voilà posé l’esprit de la loi.

Dans quel but ? Les lois françaises sur la fin de vie n’ont fait que le prouver : surtout que le médecin n’ait pas accès à l’euthanasie.

Qu’est ce qui définit l’acte médical dans sa plus haute fonction dans le contexte de la prise en charge de la fin de vie ?

Dialogue, écoute, rencontre et partage, cheminement et accompagnement : voilà ce qui définit l’acte médical et encore plus dans ce contexte. Il ne peut y avoir de différence entre la prise en charge palliative et une aide médicale à mourir, mais à la seule condition que le médecin ne mente pas, ni sur les limites du soin palliatif (il existe bien des douleurs réfractaires, il existe bien des douleurs psychologiques insupportables, il n’est pas possible médicalement de définir le décès à court terme), ni sur le cheminement pour accéder à une aide médicale à mourir que le médecin devra parcourir avec le patient et à sa demande, qui pourra être court mais parfois plus long en fonction de la pathologie. En effet la relation médicale lors d’une demande d’aide médicale à mourir est inversée : c’est le patient qui demande au médecin, et celui-ci accepte ou refuse après de nombreux entretiens en cas de maladie au pronostic sombre, comme la sclérose latérale amyotrophique par exemple. C’est un cheminement complexe et respectueux qui doit se construire pour arriver à une décision partagée.

Là, sans doute, y a-t-il une différence entre la prise en charge palliative et la demande d’une aide médicale à mourir. Dans cette dernière, il y a bien un colloque singulier permanent, alors qu’il s’agit d’un colloque pluriel avec de nombreux intervenants pouvant faire craindre une dilution de l’écoute dans le cadre des soins palliatifs.

Ne pas mentir implique d’expliquer clairement la différence entre une aide médicale à mourir et une sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le patient est en phase terminale d’une affection grave et incurable entrainant des douleurs insupportables. La différence est extrêmement sensible : dans l’aide médicale à mourir, il s’agit d’une mort volontaire et partagée avec le médecin ; dans le cas de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, il s’agit d’une mort lente et solitaire.

Ne pas mentir, et donc apporter une information loyale, ne peut se faire qu’en amont, bien en amont, lorsque la personne a toute sa conscience et n’est pas sous un nombre incalculable de drogues qui ne permettent plus d’être lucide.

C’est pourquoi, pour en arriver à une décision partagée, il est indispensable de remettre le médecin généraliste au centre du dispositif de prise en charge. A vouloir trop médicaliser la fin de vie, plus personne ne sait qui doit intervenir.

Qui connait le mieux le patient ? Le médecin généraliste.
Qui a la confiance du patient ? Le médecin généraliste.

Comment renouer le dialogue entre le médecin généraliste et son patient sur le sujet de la fin de vie ? En créant une consultation, codée, rémunérée, qui pourrait s’appeler « consultation de fin de vie, droits et dispositifs existants, utilité des directives anticipées et information sur la personne de confiance ».

Car sur un temps long et en étant accompagné par un professionnel de la santé, chacun est capable de définir ses limites, ses peurs et ses angoisses et d’avoir des réponses partagées. C’est l’autonomie...

Les directives anticipées, même si elles sont là au départ pour exprimer ses volontés par l’intermédiaire d’une personne de confiance, représentent une opportunité immense de s’exprimer, de faire des choix sur la façon dont chacun veut être écouté lorsque « sa vie est arrivée à son terme ».

Ne pas mentir exige que le médecin laisse « à la maison », ses convictions religieuses.
Ne pas mentir exige que le médecin dise tout de suite au patient qu’il exerce son droit de conscience. Ce droit de conscience, pour le médecin, étant inaliénable et le restera.
Ne pas mentir permet au médecin de respecter l’autre et de se respecter lui-même.
Respecter l’autre, c’est savoir reconnaître l’autonomie de pensée du patient.

Il s’agit donc bien d’un soin, car écouter, partager, comprendre la demande et y répondre, correspond à la définition du soin médical : il n’y a aucune incompatibilité entre une aide médicale à mourir et une prise en charge palliative, mais une complémentarité qui respecte le choix réfléchi du malade et non celui du médecin.

JD

 

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