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TRIBUNE. Line Renaud et Olivier Falorni : « Il est temps de légaliser l’aide active à mourir »

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Communiqué
23 août 2022
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Sur le sujet de la fin de vie, « notre droit souffre toujours de plusieurs failles et insuffisances majeures ». Rapporteur général de la proposition de loi sur la fin de vie et député (non-inscrit) de la Charente-Maritime, Olivier Falorni signe avec la chanteuse et actrice Line Renaud une lettre ouverte appelant les parlementaires à légaliser l’aide active à mourir. Voici leur tribune : « Pourquoi vouloir rester jusqu’au bout quand vous savez que vous êtes condamné à court terme et que vos souffrances physiques et psychiques seront, en dépit des progrès de la médecine et du dévouement des soignants, réfractaires à tout traitement thérapeutique ?

Pourquoi endurer une cruelle agonie quand la mort peut vous délivrer d’une vie qui n’est plus qu’une survie douloureuse sans espoir de guérison ? Ces questions existentielles, nous sommes tous amenés à nous les poser un jour, pour nous-mêmes ou pour nos proches.

Depuis une vingtaine d’années, plusieurs évolutions législatives ont eu lieu. Toutefois, notre droit souffre toujours de plusieurs failles et insuffisances majeures. Il en va notamment de certains critères déterminant la mise en œuvre de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Surtout, cette technique soulève des questions. Dès lors que l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation du patient peut le placer dans une situation ­susceptible de durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines, peut-on sincèrement considérer cela comme humainement tolérable ? Dans ces conditions, comment ne pas comprendre que certains de nos concitoyens, parce qu’ils sont atteints d’un cancer généralisé, d’une sclérose en plaques ou de la maladie de Charcot en phase avancée, souhaitent abréger leur vie ? Pourquoi leur refuser le droit de mourir sereinement, de façon apaisée ?

    En refusant jusqu’à présent de légaliser toute aide active à mourir, la France a fait preuve d’une grande hypocrisie

En refusant jusqu’à présent de légaliser toute aide active à mourir, la France a fait preuve d’une grande hypocrisie. Face à l’absence de solution institutionnelle, deux types de réponse ont vu le jour : l’exil dans les pays frontaliers pour y mourir et la pratique d’euthanasies clandestines dans notre pays.

Tout d’abord, de plus en plus de malades décident de se tourner vers la Belgique ou la Suisse pour mettre un terme à leur vie. Ces départs à l’étranger constituent indéniablement une souffrance supplémentaire pour ces personnes et pour leur entourage. Il s’agit en quelque sorte d’une double peine. Par ailleurs, en raison de l’afflux de patients étrangers, de plus en plus de médecins et d’établissements belges refusent les demandes d’euthanasie de patients français.


Ensuite, il n’est pas rare que des médecins français procèdent à des euthanasies clandestines pour mettre fin aux souffrances de leurs patients. Selon une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined), on en compterait entre 2 000 et 4 000 par an. Pire : les deux tiers de ces euthanasies clandestines seraient réalisées à l’insu des patients et de leurs proches.

Les législations relatives à l’aide à mourir en vigueur dans des pays étrangers n’incitent pas les personnes atteintes d’affections graves et incurables à se résigner à la mort en l’anticipant à l’excès. Ainsi, la légalisation de l’euthanasie en Belgique n’a pas entraîné sa prolifération. En revanche, elle a permis d’en améliorer le suivi et le contrôle, car elle avait déjà cours, là-bas aussi, de façon illégale.

En matière d’accompagnement des patients en fin de vie, la Belgique, contrairement à la France, n’a pas fait le choix d’opposer les soins palliatifs et l’aide active à mourir. En 2002, elle a adopté successivement trois lois : une première pour légaliser l’euthanasie, une deuxième pour développer les soins palliatifs et une troisième pour préciser les relations entre les patients et le corps médical. Vingt ans après, on ne peut que constater que la légalisation de l’euthanasie n’a pas empêché l’instauration d’un système de soins palliatifs performant en Belgique. Le législateur belge a conçu les soins palliatifs et l’euthanasie comme deux solutions complémentaires : d’un côté, des moyens pour soulager les patients souhaitant laisser arriver la mort, et de l’autre, une solution permettant aux patients qui le demandent d’en déclencher l’arrivée.

    Les Français souhaitent, dans leur écrasante majorité, maîtriser leur destin jusqu’au bout

Depuis plusieurs années, les enquêtes d’opinion montrent avec constance, et de façon claire, que l’immense majorité des Français – 96 % d’après un sondage publié par Ipsos en 2019 – sont favorables à la légalisation de l’euthanasie, toutes sensibilités politiques et catégories d’âge ou socioprofessionnelles confondues. Cela ne signifie pas que neuf Français sur dix veulent être euthanasiés, mais qu’ils souhaitent, dans leur écrasante majorité, maîtriser leur destin jusqu’au bout.

Ce qui se passe à nos frontières ne peut nous laisser indifférents. Même des pays à forte tradition catholique comme ­l’Espagne ou le Portugal ont légalisé l’aide active à mourir ou s’apprêtent à le faire. Demain, les Français pourront se rendre toujours plus nombreux dans plusieurs pays voisins pour mettre fin à leurs jours en étant accompagnés sur le plan médical. Pourquoi ne pourrions-nous pas accorder à nos concitoyens ce « droit de mourir » que demandait Vincent Humbert au président de la République il y a déjà vingt ans ?​

La proposition de loi sur « le droit à une fin de vie libre et choisie » qui a été débattue à ­l’Assemblée nationale le 8 avril 2021 et dont l’article pilier – l’article 1 – a été voté par 83 % des députés est prête à être adoptée si elle est enfin, à nouveau, inscrite à l’ordre du jour du Parlement.

Le 31 mars dernier, à Fouras, en ­Charente-Maritime, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a répondu à une citoyenne qui l’interrogeait sur ce sujet : « Je suis favorable à ce qu’on évolue vers le modèle belge. » C’est justement le sens de cette proposition de loi qui s’inspire profondément de la loi belge. Les ­Français attendent ce droit à leur ultime liberté. Il est donc temps, monsieur le Président, mesdames et messieurs les parlementaires, d’avoir enfin une loi, ici et ­maintenant. »

Line Renaud et Olivier Falorni