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Fin de vie : «Les médecins devraient être des facilitateurs» - Libé

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Communiqué
14 septembre 2017
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En Belgique, l’euthanasie est autorisée sous trois conditions. D’abord, le patient doit être majeur (ou mineur émancipé). Il doit être capable et conscient au moment de sa demande : celle-ci doit être formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée et ne pas résulter d’une pression extérieure. Enfin, «le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée, et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable». Voilà pour le cadre. François Damas, chef du service des soins intensifs et président du comité d’éthique du centre hospitalier Citadelle à Liège (Belgique), et également membre de la Commission euthanasie belge, en détaille les enjeux et l’application.

La maladie de Charcot est une maladie prévisible, avec des étapes, des échelons bien marqués. Avec une fin de vie très douloureuse. Comment cela se passe-t-il en Belgique pour ces patients ?

La loi belge permet pleinement au médecin - si le patient le demande, bien sûr - de faire un acte d’euthanasie. Ce qui arrive fréquemment. Nous sommes souvent appelés. Dans la maladie de Charcot, on sait prévoir, anticiper jusqu’où le patient veut ou peut aller. Ces patients sont très informés, ils sont au courant, ils savent. Certains ne veulent pas discuter de leur fin, mais ils sont rares. La très grande majorité exprime des souhaits clairs et précis. Ils sont demandeurs de décider du moment où partir. C’est d’ailleurs typique de ces patients, à la différence par exemple des personnes atteintes d’une myopathie.

Comment expliquer cette différence ?

Les personnes atteintes de myopathies ont toujours vécu avec leur handicap et très rares sont ceux qui veulent à un moment décider d’arrêter de vivre, même quand le handicap prend toute la place. Dans le cadre de la maladie de Charcot, c’est une pathologie qu’ils ont attrapée, si l’on peut dire, à 40, 50, 60 ans. Et là, ces personnes ne supportent pas la dégradation de leur corps. Nous avons des demandes très claires : à un moment, ils veulent que cela s’arrête. C’est leur choix, ils sont pleinement conscients.

Que pensez-vous de la situation d’Anne Bert ?

Je trouve cela bien malheureux. Nous avons déjà aidé des patients français dans ces situations, mais pour cette femme, c’est bien dommage qu’elle doive quitter sa famille, être contrainte de faire mille kilomètres pour mourir auprès d’inconnus comme nous qu’elle n’aura vus que pendant deux ou trois jours. En tout cas, quand un malade nous fait cette demande, nous l’aidons du mieux que nous pouvons. C’est cela, notre rôle. Les médecins devraient être des facilitateurs. Et être là pour prendre soin de la fin de vie de leurs patients.

Comment trouvez-vous la situation de la fin de vie en France ?

Sur un plan général autour de la fin de vie, je pense qu’il y a du mieux, et il faut savoir profiter de toutes les avancées. Certes, avec la loi Claeys-Leonetti de février 2016, la situation reste hésitante, entre deux chaises, mais on peut faire désormais des sédations en fin de vie. C’est déjà un progrès quand on voit comment les gens mourraient avant. Le grand reproche que l’on peut faire, c’est que l’on donne tout le pouvoir implicitement aux médecins, et à mes yeux c’est une erreur massive. A l’approche de la fin de vie, il faut s’appuyer sur la volonté du malade, autour d’un consensus familial. La décision n’appartient pas aux médecins, ce sont des décisions conjointes. Et nous le voyons dans notre pratique : cette transparence est le principal garde-fou pour éviter les dérives. Cette euthanasie se fait non cachée, devant tout le monde, ce qui constitue une surveillance majeure. On ne peut pas déraper car tout le monde nous voit.

Pensez-vous que la législation en Belgique a permis d’apporter une réponse complète à la mort médicalisée ?

La situation s’est grandement améliorée, mais tout n’est pas réglé pour autant. Ce qui est très positif, c’est que c’est devenu un sujet débattable ; on peut discuter librement des attitudes médicales, et non plus en cachette comme on le faisait avant. Reste qu’en la matière, l’expérience est réservée malheureusement à quelques médecins qui se sont spécialisés, non seulement sur l’euthanasie, mais sur la fin de vie. Les autres médecins ne se sentent pas concernés. A côté des soins palliatifs, qui sont en première ligne, il y a bien sûr les réanimateurs et les anesthésistes qui sont confrontés, depuis longtemps, à des fins de vie programmées, médicalement assistées. Une étude a montré que lorsque vous regardez l’heure et le jour des décès dans un service de gériatrie, ils sont répartis tout au long de la journée, toute la semaine et le week-end, et aussi bien le jour que la nuit. En soins intensifs, on meurt entre 8 heures et 18 heures du lundi au vendredi. Cela montre bien que les décès sont provoqués. Lire la suite sur le site Libération