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Fin de vie : la Haute autorité de santé veut fermement encadrer la sédation terminale - Libération

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Communiqué
15 mars 2018
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Jean-Luc Romero : "Déjà la 3è loi Leonetti de 2016 avait réduit la sédation terminale aux cas de pronostic vital engagé à court terme, contrairement à la circulaire de 2010 qui n’apportait aucune précision en la matière. Aujourd’hui, la Haute Autorité de Santé va encore moins loin en réservant cette sédation aux seuls cas où la survenance de la mort est estimée à quelques heures voire à un ou deux jours.
La HAS nous prouve ainsi qu’il est urgent d’avoir une autre loi sur la fin de vie qui respectera enfin les patients, quelles que soient leurs volontés en fin de vie."

 

Avec la loi Leonetti-Claeys de 2016 sur la fin de vie, le législateur avait laissé un certain flou autour de cette nouveauté que constituait «la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès». Manifestement, la Haute Autorité de santé (HAS) a voulu le lever. Rendues publiques ce jeudi, ses recommandations portent une vision restrictive de cette avancée, en créant une frontière stricte entre ladite sédation qui vise à faire dormir et l’euthanasie qui vise à provoquer le décès.

Mais est-ce possible ? Y a-t-il vraiment une limite ? Une fin de vie médicalisée est souvent complexe, difficile. Cela peut être aussi incertain, ni toujours très clair, ni toujours bien compréhensible. En tout cas, cela n’est en rien naturel, et entre le «laisser mourir» et «le faire mourir», les frontières sont ténues. Exemple : lorsque l’on arrête un traitement ou un respirateur artificiel en l’accompagnant d’un fort sédatif, n’est-on pas déjà dans le «faire mourir» ? Même le monde des soins palliatifs est partagé, sachant que les postures en la matière ne sont pas toujours très opérantes. Bon nombre d’experts, comme l’ancien président du Comité consultatif national d’éthique, le professeur Didier Sicard, le reconnaissaient également et se montraient partisans d’une vue large de la sédation. Quant aux deux auteurs de la loi, Jean Leonetti comme Alain Claeys, ils disaient que cette sédation était une façon détournée mais réelle de répondre à certaines demandes d’euthanasie. «Il faut laisser un peu de latitude aux équipes», nous expliquait alors Alain Claeys.

De fait, que dit la loi ? Cette sédation, c’est-à-dire endormir une personne jusqu’à la perte de toute conscience, peut être mise en œuvre chez un patient qui, «atteint d’une affection grave et incurable, demande d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable». Cela est possible dans deux situations suivantes. «S’il présente une souffrance réfractaire aux traitements et que le pronostic vital est engagé à court terme. Et une seconde situation, si le patient décide d’arrêter un traitement et que cette décision engage son pronostic vital à court terme et qu’il est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable». Dans ces deux cas, le patient peut alors demander une sédation jusqu’à la mort, et le médecin ne peut pas la lui refuser. Si le patient n’est pas conscient, c’est au médecin de faire le choix.

Tout n’est pourtant pas réglé car en la matière, les mots peuvent être interprétés. La HAS a donc choisi une position tranchée. D’abord cette affirmation : «Une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès est une réponse à la souffrance réfractaire ; elle n’est ni une euthanasie, ni une réponse à une demande d’euthanasie.» Propos bien définitifs… Ensuite ? Pour y avoir droit, c’est presque un parcours du combattant : si la personne est consciente, c’est au patient certes de décider, mais «le médecin doit s’assurer de sa vraie volonté», demander éventuellement un avis à des psychiatres, évoquer avec lui les différentes possibilités, y compris celle d’une sédation limitée avec possibilité de réveil, et bien sûr une procédure collégiale doit être faite avant de l’entreprendre. Bref, cela se mérite.

 Vision restrictive

Deuxième limitation forte que recommande la HAS : le pronostic du patient doit en effet être engagé à court terme pour en bénéficier, dit la loi. Mais que veut dire le court terme ? Quelques heures ? Quelques jours ? Quelques semaines ? Cette incertitude législative permettait de faire face à des situations différentes. Réponse sèche de la HAS : «Une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ne peut être envisagée que si le décès est proche, attendu dans les quelques heures ou quelques jours qui viennent.» Et ce rappel, à nouveau: «Si le décès est attendu dans un délai supérieur à quelques jours et que les symptômes sont réfractaires, une sédation réversible de profondeur proportionnée au besoin de soulagement est discutée avec le patient.»

Pour la HAS, le court terme se limite donc à quelques jours. Ce qui, de ce fait, limite là encore nettement l’utilisation possible de la sédation. Enfin, «la SPCMD peut être réalisée en établissement de santé, mais également au domicile ou en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, y compris si un médecin en charge du patient suffisamment disponible se sent isolé sur son territoire. Chaque situation est singulière et complexe». Certes, mais actuellement, les médicaments pour cette sédation ne sont disponibles que par le biais d’une prescription hospitalière.

C’est donc, au final, une vision restrictive de cette avancée législative que recommande la HAS. Il n’est pas sûr qu’à mettre autant de garde-fous et de contraintes à son application, la HAS n’aboutisse pas à l’effet inverse, c’est-à-dire à relancer le débat sur la nécessité d’une nouvelle loi sur la fin de vie médicalisée.

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