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Bientôt la légalisation de l'aide active à mourir ? - Libération

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Communiqué
16 février 2021
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A l’initiative du professeur de médecine Jean-Louis Touraine, une majorité de députés semblent prêts à voter un projet de loi ouvrant la possibilité aux patients atteints de maladies incurables d’avoir recours à l’euthanasie. Encore faut-il que l’Elysée accepte d’ouvrir ce débat.

Et si le disque n’était plus tout à fait rayé ? Et si la France rejoignait l’Espagne et le Portugal, qui viennent d’autoriser, dans certaines situations, l’euthanasie ? En ce début février, ils sont désormais 160 députés de la majorité à avoir cosigné la proposition de la loi, portée par Jean-Louis Touraine, pour une aide active à mourir. Avec l’appui des députés de gauche mais aussi de quelques députés Les Républicains, ce texte serait logiquement adopté. Mais encore faut-il qu’il soit inscrit à l’agenda. Et ça, c’est une autre affaire.

«Je reste optimiste», nous affirme Jean-Louis Touraine, ancien socialiste devenu député la République en marche, qui a fait de l’euthanasie depuis dix ans un combat personnel. Aujourd’hui, le ministre de la Santé, Olivier Véran fait, semble-t-il, la sourde oreille sur le sujet, mais il n’est pas décisionnaire : si feu vert il y a, il viendra de l’Elysée. Et là, la réponse est incertaine. «Il y a quelque temps, nous raconte le député Touraine, Emmanuel Macron avait dit qu’il voudrait choisir sa fin de vie, mais il pose la question de l’opportunité du moment : quand ?» Pour cet immunologiste, pas de doute, c’est maintenant. Et il s’en explique : «Nous avons un recul de cinq ans sur la loi Claeys-Leonetti ; elle a montré ses lacunes, ne répondant pas à tous les cas. Il y a eu des progrès, mais par exemple la sédation profonde et continue jusqu’au décès reste mal appliquée, en plus elle ne répond pas aux cas des personnes atteintes d’une maladie incurable, qui veulent être dispensées de vivre une agonie».

D’autres arguments viennent étayer, à ses yeux, la nécessité d’agir maintenant : «Avec le Covid, on a vu au grand jour le “mal mourir”. Beaucoup de personnes sont décédées dans de mauvaises conditions, seules, isolées, sans leur proche. Parfois, elles n’étaient pas entendues quand elles s’asphyxiaient.» Pour Jean-Louis Touraine, il serait aussi opportun d’agir, d’un point de vue politique. Il s’en explique : «Ce serait une excellente façon de finir ce mandat en montrant que nous sommes à l’écoute des souffrances et des demandes des patients et plus généralement des citoyens. Je rappelle que la quasi-unanimité des Français estime que chaque individu a le droit de choisir la façon de finir sa propre vie.» Et de rappeler les résultats du sondage Ifop d’octobre 2014 qui attestent que «96 % des Français interrogés jugent que la législation française devrait autoriser les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie des personnes qui en font la demande». La conférence de citoyens, organisée par le Comité consultatif national d’éthique, en décembre 2013, avait elle aussi débouché sur des recommandations similaires.

Bref, le temps est venu. Dans le projet de loi, un cadre est clairement défini. Avec une série de garde-fous. Ainsi est-il écrit : «La personne qui demande à bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir doit être majeure, capable et souffrir d’une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique telles qu’aucune solution d’ordre thérapeutique n’est plus envisageable.» Son choix doit être libre et éclairé, révocable à tout moment. La demande doit être, ensuite, instruite «par un collège de trois médecins afin d’en apprécier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite». Et encore cette précision : «Si, pour une raison personnelle, un médecin ne souhaite pas participer à cette procédure, il peut bien sûr invoquer la clause de conscience et transmettre cette mission à un de ses confrères.» Au final, «l’assistance médicalisée active à mourir doit pouvoir être réalisée soit par le patient lui-même et en présence du médecin, soit par le médecin. L’intégralité de la procédure doit être versée au dossier médical du patient».

Un projet cohérent, même s’il mélange l’aide médicale à mourir avec le suicide assisté. Au ministère de la Santé, on a d’autres soucis. Et l’on n’en fait pas une priorité.

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