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"Aide active à mourir : un droit pour tous, une obligation pour personne" - Marianne

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Communiqué
18 octobre 2022
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Liberté. C’est donc, avant toute chose, une loi de liberté que revendique l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité depuis plus de 40 ans, et avec elle les Français qui se déclarent favorables à l’euthanasie (94% - Ifop, février 2022) ou au suicide assisté (89% - Ifop, février 2022) et les médecins qui se déclarent favorables à la légalisation de l’euthanasie ou au suicide médicalement assisté (71% - Medscape, juin 2020).

Cette loi de liberté offrira un droit nouveau à celles et ceux qui, arrivés en fin de vie, demandent de manière consciente et réitérée à bénéficier d’une porte de sortie lorsque la vie n’est plus que de la survie et que les souffrances physiques ou psychiques ne peuvent plus être apaisées.

Cette loi de liberté permettra également aux soignants de bénéficier d’une clause de conscience (ce que la loi de 2016 prévoyant une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ne permet pas) et de ne pas consentir à la demande d’aide active à mourir qui leur serait faite par un patient.

La France, en se dotant dès 2023 d’une loi qui permettra à chacun de choisir pour lui-même le moment et la manière d’éteindre sa propre lumière, rejoindra les pays voisins qui ont déjà légalisé l’aide active à mourir : les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, l’Autriche, l’Espagne, le Portugal (la loi n’est pas encore ratifiée), bientôt l’Allemagne et l’Italie. Mais aussi, plus loin de chez nous, onze états des Etats-Unis, le Canada, la Colombie, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et, bientôt peut-être, le Chili, le Pérou, l’Uruguay… Remarquons au passage que seules les démocraties légifèrent sur les droits individuels. Les dictatures, elles, imposent une vision unique à tous les individus.

Bien sûr, l’introduction de l’aide active à mourir dans l’arsenal des dispositifs de fin de vie changera le travail des soignants concernés. Il le changera, certes, tout en renforçant l’écoute, le respect et la compassion qu’un personnel soignant doit avoir à l’égard de son patient. Il n’y aura pas, dans notre société, ce fameux basculement anthropologique annoncé par ceux qui s’opposent aux libertés individuelles, et qu’ils avaient déjà annoncé après la légalisation du droit de vote des femmes, après la légalisation de l’avortement, après la légalisation du divorce par consentement mutuel, après la légalisation du mariage pour tous, après la légalisation de la PMA pour tous.

Si l’on veut bien relire les débats qui ont traversé notre société française au début des années soixante-dix, à propos de la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse, que constate-t-on ? L’Académie de médecine et le Conseil de l’Ordre des médecins y sont opposés (mais à quelle avancée sociétale ne se sont-ils pas opposés ?). Les médecins accoucheurs menacent de démissionner au motif qu’ils ne sont pas là pour répondre à la demande de leur patiente, qu’ils ne sont pas là « pour tuer de jeunes enfants », mais qu’ils sont là pour donner la vie. Décidément, la parole du patient a toujours eu du mal à être entendue dans les hôpitaux, malgré les lois Kouchner sur les droits des patients votées depuis.

Pourtant, selon un récent sondage (Ifop – octobre 2022), les Français considèrent, à juste titre, à 82% l’aide active à mourir comme un soin de fin de vie. Et leur confiance dans leur médecin reste forte alors que ce dernier se déclarerait favorable à l’euthanasie (79% de taux de confiance) et pratiquerait des euthanasies (77% de taux de confiance). Le fameux colloque singulier entre le soignant et son patient ne sera pas altéré, loin de là.
D’ailleurs, interrogeons-nous sur le terme « patient ». Un patient – sauf s’il est placé sous un régime de protection juridique – reste un citoyen à part entière. Même très âgé. Même très malade. Qu’est-ce que ce paternalisme médical qui voudrait qu’une personne fragilisée par l’âge ou la maladie deviendrait un enfant qu’il faudrait protéger contre son gré et dont il faudrait ignorer la parole ? Le respect dû à nos aînés et à ceux d’entre nous qui sont frappés par la maladie, commande de les entendre, de les écouter et de respecter leur souhait. Y compris si leur volonté, parce qu’ils sont atteints d’une affection grave et incurable et qu’ils sont arrivés en phase avancée ou terminale avec des souffrances physiques ou psychiques inapaisables, est d’abréger leur propre vie.

La maladie tue. La vie, elle-même, se conclut inévitablement par la mort. Le soignant qui respecte son patient en fin de vie – toujours un citoyen, donc – et répond à sa demande d’une aide active à mourir, pratiquera un geste qui ne sera jamais anodin, mais qui sera un geste de fraternité et de compassion.

Ne pas respecter son patient et l’abandonner dans les heures les plus difficiles de sa vie finissante serait contraire au Serment d’Hippocrate qui expose : « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. »

Jonathan Denis, président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) Dr Anne Vivien, vice-présidente de l’ADMD Dr Sylvie Dargery, administratrice de l’ADMD chargée de la solidarité et de l’entraide Dr Jean Daquin, délégué national de l’ADMD chargé de la commission Soignants

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