Accueil / Actualités / Décryptages
Décryptages

Le serment d’Hippocrate et l’euthanasie

image bandeau
Communiqué
27 mai 2021
Taille du texte
Partager sur

Je réagis au « serment d’actualité » publié dans la rubrique Balises du numéro 446 [de la revue Prescrire] de décembre 2020.

Il y est fait état de l’actualité de l’extrait du serment d’Hippocrate publié auquel je souscris totalement.

Cependant, il existe de nombreuses versions du dit Serment et les impétrants ne prêtent pas serment sur le même texte dans toutes les facultés de médecine de France (par exemple Nancy et Strasbourg).

Voici un extrait du serment d’Hippocrate nancéien qui me chagrine : « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. »

Pour avoir dirigé de très nombreuses thèses à la faculté de médecine de Nancy, dont deux sur la problématique de l’euthanasie1, ce passage du Serment m’a toujours posé problème.

J’ai accompagné, en octobre 1998, ma mère qui a bénéficié d’une euthanasie en Belgique et je peux, j’ai pu2, témoigner de l’extraordinaire qualité de ce geste d’humanité pratiqué par une équipe belge remarquable, tant sur le plan technique (une mort douce, rapide, paisible...) que relationnel (écoute, chaleur humaine et immense bienveillance).

Certes, l’euthanasie est encore illégale en France mais, comme les lois sur la contraception et l’IVG, le vent de l’histoire souffle inexorablement et la France finira par rejoindre les pays qui offrent un cadre légal et sécurisant à l’euthanasie et /ou au suicide assisté (la Belgique bien sûr, mais aussi le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suisse, la Colombie, le Canada et plusieurs états américains ; et tout récemment l’Espagne)

Jusqu’à quand faudra-t-il imposer aux futurs médecins français de prêter serment sur un texte contraire aux convictions (voire à la pratique) de certains d’entre eux ?

Une révision du serment d’Hippocrate et une homogénéisation selon les lieux de soutenance s’imposent. Je suggère également une clause de conscience qui permettrait à chacun de choisir son serment parmi plusieurs textes proposés.

Dr Jacques Birgé

1 Noémie Lutz et Raphaëlle Martin, thèse de médecine Nancy soutenue le 30 mai 2016 : Pratiques et attentes des médecins généralistes concernant la fin de vie et la question de l’euthanasie. Études quantitative et qualitative en Lorraine.

2 https://www.liberation.fr/france/2018/10/22/une-centenaire-evincee-d-un-service-hospitalier-car-elle-ne-voulait-plus-vivre_1686488