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Sept vieilles dames et la mort : et si le faire mourir pouvait être un ultime acte de soin ? - Véronique Fournier

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Communiqué
22 mars 2024
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On ne sort pas indemne de la lecture de ce livre. Cardiologue de formation, l'auteure a dirigé le Centre d'éthique clinique de l'AP-HP et présidé le Centre national de la fin de vie et des soins palliatifs quand il fut créé suite à la loi Clayes-Leonetti de 2016.
Toutes ces casquettes lui ont fourni l'occasion de rencontrer longuement des patientes, et ici de s'intéresser aux très vieilles dames. Cardiologue, elle gardait les patients vingt minutes (en moyenne, c’est dix minutes) car elle voulait comprendre les situations globales et pas seulement le mal dont souffrait le malade au jour J.

Tout le livre est une écoute de l'histoire de six dames (des puzzles de vraies personnes), qui, après 85 ans, ont eu besoin d'elle : Annette pour lutter contre la fatigue due au coeur qui lâche, Josiane pour enfin sortir d'une maladie des os de verre qui l'a handicapée pendant 70 ans, jusqu'au jour où elle décide que c'en était fini des traitements, opérations…

Et d'autres, agonisantes, qui ont demandé une sédation profonde et continue, comment ont-elles été écoutées, que leur a-t-on répliqué alors qu'elles suppliaient d'en finir ? Appelée comme spécialiste d'éthique, elle ne peut pas toujours se faire entendre des équipes de soins palliatifs pour lesquelles, vraiment non, la Sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ne se fait pas, ou ce n'est pas le moment, ou, clairement, « cela cache une demande d'euthanasie », et ici c'est non !

On s'attache vraiment aux personnalités de Josiane, Reinette, Annette et les autres. Elles ont vécu les difficultés, la guerre, tous les bouleversements du XXe siècle, elles se sont émancipées après guerre, ont gagné une liberté de mouvement, de décision, et doivent se débrouiller seules (le mari est décédé). Se voir diminuées, empêchées, handicapées au quotidien, en perte d'autonomie de mouvement et de prise en main de leur vie, c'est cela l'insupportable.

Pour certaines, cette perte d'autonomie génère une angoisse pire que la mort, c'est pourquoi l'une va rencontrer un médecin belge, l'autre refuse une hospitalisation « de trop » et trouve le moyen de mourir (un peu aidée), et une malade d'Alzheimer semblant avoir perdu toute conscience un jour décidera de ne plus manger et s'éteindra d'inanition.

Il y a autre chose dans ce livre, les passionnants parcours de vie de six dames, leur passion pour leur famille, qui n'interdit pas des difficultés de communication avec tel ou tel enfant, la perte de la foi (catholique, juive ukrainienne émigrée).
Des notes font un point très précis sur les lois en vigueur les applications, les études scientifiques.
En conclusion, l'auteure fait part de quelques réflexions de médecin et de femme âgée (la 7e) devant le vieillissement, comment l'entrevoir, comment écouter, quelles seraient les attentes des seniors ++, de plus en plus nombreuses. Pour faire accepter une loi autorisant une aide active à mourir, il faudra nécessairement mettre les soignants dans le coup, leur faire accepter et comprendre que le soin, c'est entendre le malade et construire avec elle ou lui un cheminement de fin de vie (on croirait entendre le Docteur Damas).

Elle est un peu pessimiste de voir comment le débat sur une loi de fin de vie s'engage en France.
Ce livre se lit d'un trait, comme un ensemble de nouvelles, mais aussi apporte des éléments d'informations essentiels sur les questions de fin de vie.

CB

Publié en mars 2024
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