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Jusqu’au dernier souffle - Florence Bédouet

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Communiqué
10 novembre 2022
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« L'amour est plus fort que la mort. Maintenant que j'ai flirté avec elle, encore debout, je n'ai plus peur du néant », dévoile Rosa Lorry dans son ouvrage « Jusqu'au dernier souffle ». Une intimité perceptible. Avec sensibilité, les propos sont recueillis et mis en récit par Florence Bédouet, délicatement appelée « compagnon biographe ». D’emblée, l’auteure se confie sur son enfance tourmentée. Un bagage émotionnel marqué par la maladie, la séparation et l'abandon. Forger son identité avec des repères mouvants. À l’âge de trois ans, sa mère décède et son grand-père l'élève. À sa disparition, elle doit quitter l'Algérie et vivre en France avec son père qu'elle ne connaît que trop peu. Ses difficultés pour apprendre le français sont manifestes. Mais sa volonté de s'intégrer est inébranlable.

Sa reprise du Mag'Press, à Brive-la-Gaillarde, comble ses aspirations. Un an après, sa foudroyante rencontre avec Jean bouleverse sa vie. « Je l'ai vu entrer. De loin, nos regards se sont furtivement croisés, assez pour qu'à cet instant précis, j'éprouve l'étrange sentiment de retrouver un être que j'aurais aimé dans une autre vie. » Comme une évidence. Un ouragan qui fait voler en éclats les certitudes. L'amour est là. Il faut le chérir ardemment. Rosa met en lumière le parfum de l'épanouissement. Ce vibrant désir d'avancer à deux et de fonder une famille. Deux décennies joyeuses nourries par l'accomplissement des projets.

« Comment mourir dans de bonnes conditions ?
Avec les enfants, est-ce possible à la maison ? »

Puis de manière insidieuse, la maladie gangrène le corps de Jean. Le diagnostic est sans appel : un carcinome primitif au poumon avec métastase, stade IV. Le livre fait état des balbutiements lors de l'hospitalisation à domicile. La lancinante impuissance. Une chimiothérapie, non curative, mais palliative est proposée. Jean, que Rosa surnomme affectueusement « mon Roi », a une santé déclinante. Mais sa lucidité reste intacte : « Quand l'arrêt de la chimio va-t-il faire effet ? Quand vais-je perdre mes facultés mentales ? Comment mourir dans de bonnes conditions ? Avec les enfants, est-ce possible à la maison ? »

Jean réside en Belgique pour son travail. L’euthanasie est prévue en 2020. Rosa nous fait vivre de l'intérieur ce profond cheminement. La vague des doutes qui enveloppe les jours. L'être aimé est encore là. Mais il est difficile de ne pas penser au vide de l'après. Garder la tête hors de l'eau et savourer chaque seconde. S'émerveiller des bonheurs du quotidien. Les heures qui précèdent l’au revoir sont à la fois légères et déchirantes. S'éteindre dans la dignité, un inestimable apaisement. L'abrègement des souffrances de Jean met en exergue les criantes inégalités quant à la législation de l'euthanasie en France. Résolument, le voile de la souffrance doit être levé. On pense alors aux renoncements politiques et à toutes les personnes qui sont contraintes de s’exiler. Cette nouvelle loi sur la fin de vie, nous l’attendons tant.

Au fil des pages, Rosa offre un pan de son âme : « En vingt ans, brique par brique, comme un maçon, Jean m'avait réparée, reconstruite. » Et même sur l’autre rive, l’espoir demeure. Les derniers mots de Jean sont ancrés dans la chair : « Rosa, je t’aime d’un bout à l’autre de l’infini. » De l'indicible douleur à la fleur de la résilience, ce témoignage peut parler au cœur des familles et les accompagner. L'écriture panse les plaies et fait office d'exutoire.

JB

Publié en septembre 2022
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