Elle ne parlait qu’avec les yeux - Jean Vuotto

Dès la couverture, une phrase, placée en entête, interpelle et interroge : « Je ne veux pas mourir de la main de l’Homme, mais de celle de Dieu ». A l'inverse d'Anne Bert, partie mourir en Belgique avec la volonté farouche de maîtriser sa fin de vie et de ne pas subir la dégradation inévitable induite par la SLA, il n'est pas question ici d'euthanasie ou de suicide assisté.

Soixantenaire active et dynamique, Clarisse reçoit un jour un coup de massue sur la tête : elle est atteinte de la maladie de Charcot. Se sachant condamnée, elle rappelle auprès d’elle son ex-compagnon, Ange, qui accepte de venir jouer le rôle d’aidant et d’accompagnant jusqu’à la fin de sa vie. Clarisse veut mener son combat jusqu’au bout, et Ange assistera, révolté parfois, impuissant souvent, à la descente aux enfers provoquée par la maladie qui, petit à petit, paralyse la totalité du corps.

Ne s’exprimant « qu’avec les yeux », très lentement, via des techniques de communication alternative, Clarisse va être confrontée à un sentiment de perte de considération de la part des soignants et de ses proches. Un sentiment de peur, aussi, de subir des choix qui ne sont pas les siens, parce qu’elle ne peut pas communiquer aussi vite que ne l’impose le manque criant de moyens dans le milieu médical, où tout doit être fait rapidement. On expose à Clarisse les événements à venir, les interventions, les changements d’établissement, sans lui demander son avis. Ce roman autobiographique est avant tout une histoire d’amour. Celle d’un homme qui, bien que ne partageant pas toujours le point de vue de Clarisse, fera tout pour que ses volontés soient entendues et respectées.

L’auteur décrit avec pudeur, mais sans fard, le cauchemar de cette fin de vie : les douleurs physiques, la souffrance morale, la solitude, l’épuisement, l’incompréhension de l’entourage, la démission des proches, l’insuffisance du système de santé. Une expérience qui forgera sa conviction profonde de ne pas subir pour lui-même la terrible déchéance dont il a été, courageusement, le témoin.
Au-delà du récit édifiant de la réalité d’une fin de vie dans de telles conditions, c’est aussi un témoignage précieux sur le quotidien de ceux qu’on appelle les aidants, ces proches qui donnent de leur temps, de leur énergie auprès des malades, jusqu’à parfois y laisser leur propre santé.

A.D.

Publié en novembre 2022

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