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Tout s'est bien passé

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Communiqué
30 août 2021
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Le film a été présenté en compétition au Festival de Cannes 2021.

Adaptation du roman Tout s’est bien passé d’Emmanuèle Bernheim.

A 85 ans, le père d'Emmanuèle est hospitalisé après un accident vasculaire cérébral. Quand il se réveille, diminué et dépendant, cet homme curieux de tout, aimant passionnément la vie, demande à sa fille de l'aider à mourir.

En salle le 22 septembre 2021 - 1h53min - De François Ozon
Avec Sophie Marceau, André Dussollier et Géraldine Pailhas.

Notre avis :

J‘ai eu la chance d‘assister à l‘une des avant-premières du magnifique film de François Ozon, Tout s‘est bien passé, tiré du livre éponyme d'Emmanuèle Bernheim.

Je suis retournée 12 ans en arrière. Je me souviens de l‘appel angoissé d‘Emmanuèle. Je faisais mes débuts à l‘ADMD et j‘étais déjà confrontée à des histoires dramatiques de fin de vie. Comme je parle allemand, c‘est tout naturellement que j‘ai pris le relais des contacts avec les associations suisses.

Pour Emmanuèle, cette mort volontaire était très difficile à comprendre et à accepter. Sophie Marceau nous montre bien dans le film le désarroi ressenti par elle et par sa soeur Pascale lorsque leur papa – magistralement interprété par André Dussolier – est victime d‘un AVC, défiguré et en grande souffrance physique et psychique. Il demande à Emmanuèle de l’aider à mourir. Elle ne sait pas comment s’y prendre. Une amie lui conseille d’appeler l’ADMD. Elle lui donne mes coordonnées, car il se trouve que l’amie est ma gynécologue, qui est aussi une adhérente de l’ADMD. Je rassure Emmanuèle en lui donnant le contact d’une association suisse qui va lui procurer la mort douce qu’il souhaite. A l’époque, le sujet est encore tabou en France. Aujourd’hui, tout le monde sait qu’on peut aller mourir en Suisse si on le souhaite et si on en a les moyens. Comme on le voit dans le film, lorsqu’on a les réseaux et surtout l’argent, on peut avoir accès à une mort douce. Et les autres ? La grande majorité de nos concitoyens sont condamnés à souffrir avant de mourir. Pour des raisons incompréhensibles – alors que chaque anesthésiste-réanimateur sait endormir un patient en quelques minutes – on nous impose une sédation (dans le meilleur des cas) qui peut durer quelques heures voire quelques jours, selon la décision de l’équipe médicale. Le patient est infantilisé et n’a pas le droit de choisir. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le choix.

On voit bien dans le film que ce choix est difficile. Même dans l’état dans lequel se trouvait André Bernheim. Notre cerveau rationnel nous dit qu’il ne faut pas attendre trop longtemps, mais notre instinct de survie nous pousse à trouver des raisons de continuer.

Je ne voulais pas dépasser 76 ans et pourtant j’en ai aujourd'hui 77,  bientôt 78. J’ai peur de me retrouver dans la même situation que le protagoniste du film. Mais ce qui me rassure, c’est que j’ai la porte de sortie. Je me suis préparée à cette éventualité, car je suis amie avec le médecin suisse qui m’ aidera. Quel privilège par rapport à la grande majorité de mes compatriotes qui, eux, n’ont pas ce choix ! Voilà pourquoi je continuerai de militer aux côtés de mes amis de l’ADMD pour que soit adoptée la loi Falorni qui nous donnera enfin à tous le même privilège : la porte de sortie – seulement si nous la désirons. Savoir qu’on l’a, cette porte de sortie, permet de vivre la vieillesse plus sereinement, en sachant qu’on ne sera pas obligé de jouer les prolongations.

Jacqueline Jencquel