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Euthanasie : les frontaliers se cachent pour mourir - Le Républicain Lorrain

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Communiqué
4 juin 2020
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Au Luxembourg, l’association gouvernementale Mäi Wëllen, Mäi Wee (ma volonté, mon chemin) oriente, accompagne et conseille, même, les personnes engagées sur la voie de l’euthanasie. Ces dernières années, de nombreux frontaliers français empruntent cette route sans issue.

« Non, aucune douleur. C’est toujours le même rituel, la même image. » Une perfusion. Une injection. Un bâillement. Puis un sommeil, éternel. Amélie a assisté, et assistera encore à ces fins de vie qui ne doivent rien au destin.

Cette Française œuvre comme chargée de direction au sein de l’association gouvernementale luxembourgeoise Mäi Wëllen, Mäi Wee (ma volonté, mon chemin). Dans son bureau, lové au dernier étage d’un immeuble cossu de Strassen, elle absorbe quotidiennement un flux important de demandes de renseignements sur l’euthanasie et l’assistance au suicide : « Presque une cinquantaine de prises de contact par semaine », indique-t-elle.

Vu de France, la thématique crispe, divise, lève la polémique. Au Grand-Duché, elle est normalisée depuis l’adoption de la loi du 16 mars 2009 relative au droit de mourir dans la dignité : « Cela évite de se retrouver dans des situations dramatiques comme celle de Vincent Lambert…  »

« Des jeunes, aussi »

« Notre rôle consiste à accompagner le demandeur dans sa démarche librement choisie ». Soins palliatifs, euthanasie ou suicide assisté : chaque requête est compilée dans un formulaire simplifié de deux pages. Le souhait de ne pas bénéficier d’appareil de ventilation artificielle peut ainsi s’exprimer - « avec la crise du Covid-19, beaucoup de personnes âgées ont coché cette case » -, tout comme celui de refuser toute alimentation artificielle, rapporte Amélie.

Solliciter l’euthanasie se heurte à des critères bien précis. L’acte ne peut se réaliser que dans le cas où le requérant est atteint « d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, qu’il est inconscient et que cette situation est irréversible selon l’état actuel de la science ». Un onglet «remarques personnelles» permet également d’aller plus loin dans ces dispositions de fin de vie : « Certaines personnes excluent que leur ex-conjoint assiste aux funérailles… Il y a aussi cette dame qui disait vouloir mourir le jour où elle ne serait plus capable de reconnaître ses petits-enfants ».

Exprimer en amont ses dernières volontés ne serait pas l’apanage des personnes d’un âge avancé : « Des jeunes aussi prennent leurs dispositions, éclaire Amélie. Ils sont pour la plupart atteints de maladies orphelines, de cancers, etc. »

Deux avis médicaux

Ces dernières années, de nombreux candidats à ce voyage sans retour proviennent de France. Un contingent important de frontaliers en droit de solliciter cet acte prohibé dans notre pays : « Le seul critère, c’est d’être suivi médicalement au Luxembourg. Pour de nombreux travailleurs, c’est déjà le cas. » Si leur dossier passe le filtre médical - « deux avis concordants de médecins sont nécessaires », il leur faudra ensuite trouver un espace privé, au Luxembourg, pour éteindre la lumière.

« Nous avons une liste d’établissements qui louent leurs murs pour ce type de cérémonie », indique Amélie sans donner plus de détails. Elle consent toutefois, sous le sceau de l’anonymat, à dévoiler quelques moments forts de ces « réunions de famille » : « Les gens ont le temps de se préparer à dire au revoir. Dernièrement, un homme m’a demandé de l’aider à préparer son avis mortuaire. J’ai le souvenir aussi de cette jeune fille qui avait enregistré une vidéo personnalisée pour chacun de ses proches. » Autre instant mémorable : « Ce monsieur qui a décalé son euthanasie. Il souhaitait regarder la Coupe du monde pour voir jusqu’où irait la France ». La France est allée au bout. Lui non, « il est parti naturellement durant la compétition ». Une manière de rappeler que la fatalité donne souvent le coup de sifflet final d’une existence.

Le site du Républicain Lorrain