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Alain Cocq : une sédation profonde jusqu'au décès serait-elle possible ? - Libération

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Communiqué
7 septembre 2020
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Depuis deux jours, ce quinquagénaire atteint d'une maladie dégénérative a délibérément arrêté tous ses traitements. La loi Claeys-Leonetti semble ne pas répondre à la demande de ce grand handicapé, en dépit de pratiques variables.

Elle le dit avec douceur et une grande gentillesse: «Laissez-moi souffler, juste 24 heures, juste ce dimanche, et lundi je réponds de nouveau.» Sophie Mejdeberg, responsable de l’association «Handi mais pas que», a été chargée de porter la voix d’Alain Cocq depuis que celui-ci a arrêté ses traitements et son alimentation et hydratation, vendredi soir, estimant que sa vie n’est plus supportable. Depuis, cette femme engagée et discrète résiste. Elle est débordée, n’a pas un instant pour elle, se dit inquiète. Elle sait que les jours qui viennent seront incertains.

Alain Cocq a, certes, voulu faire de sa fin de vie un combat : montrer que la loi actuelle ne suffit pas. L’injection d’un produit létal, qu’il aurait voulue, n’est pas légale, la France n’autorisant pas le suicide assisté. La loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie, adoptée en 2016, a apporté quelques ouvertures, autorisant dans certaines conditions la sédation profonde et continue jusqu’au décès. «Cette mesure est faite justement pour pouvoir accompagner des personnes quand elles arrêtent toute médecine et toute assistance pour qu’elles n’en souffrent pas», a rappelé ce week-end sur Europe 1 la Dr Véronique Fournier qui vient de quitter la présidence du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV). Dans les recommandations de la Haute autorité de santé, cette sédation est néanmoins autorisée uniquement pour les personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme. Ce n’est pas le cas d’Alain Cocq.

Dans l’entre-deux

Pour autant, il y a la loi et son esprit. En France, depuis quatre ans, il y a de fait une véritable inégalité dans l’application de cette sédation finale comme l’ont montré plusieurs enquêtes récentes du CNSPFV. «Je connais des médecins, raconte ainsi Véronique Fournier, qui auraient dit à Alain Cocq : "Je suis prêt à vous accompagner, à être chez vous et mettre en place la sédation profonde et continue jusqu’au décès, de façon à ce que vous ne souffriez pas".» Et cette médecin de dresser ce constat: «Malheureusement, d’autres ont compris la loi Claeys-Léonetti différemment, et disent : “Si le patient ne va pas mourir dans les 48 heures, je ne fais pas cette sédation”.» Et c’est ce qui se passe; aujourd’hui, dans le monde des soins palliatifs, il y a bon nombre de médecins et des soignants qui restent obsédés par la question du délai, au point de de ne prescrire que très rarement cette sédation profonde.

On est là, dans l’entre-deux: soulager ou provoquer le décès. Interrogé par l’Express, Jean Leonetti, un des deux auteurs de la loi, s’est montré, lui aussi, un rien ambigu: «Le médecin est dans l’obligation d’arrêter le traitement de survie si le patient le demande de manière lucide et persistante. Cette revendication ne peut pas être refusée à Alain Cocq, de même que la non-souffrance. Si la souffrance est incoercible, le médecin peut aller jusqu’à l’anesthésie profonde. La loi est sans ambiguïté : l’atténuation de la souffrance prime sur la durée de la vie.»  «Mais, a ajouté Jean Leonetti, ce que veut Alain Cocq, ce n’est pas la non-souffrance, mais le droit à demander la mort, ce que ne prévoit pas la législation française.»

Alain Cocq a donc choisi. Il ne veut pas de cet arbitraire. Après plus de trente ans de vie de handicap, il estime que c’était fini. «C’est son choix, et je ne vois en quoi nous aurions le lui contester», nous disait Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). Alain Cocq a voulu aussi que sa fin de vie soit filmée. Facebook a décidé, samedi, de ne pas permettre la diffusion de ces images.

Son auxiliaire de vie qui l’accompagne se dit un peu perdu. Que va-t-il faire si Alain Cocq perd connaissance? Légalement, il se devrait d’appeler le SAMU. Ensuite? Ce sera au médecin de décider, seul, ce qu’il fait: abréger ses souffrances (c'est à dire sa vie), ou l’hospitaliser.

Le site de Libération

 

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