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"J'ai 30 ans et je souffre d'un cancer du cerveau..."

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Communiqué
26 juillet 2022
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Ceci est le témoignage, à titre posthume, de Salomé Rauxet qui a adhéré à l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité le 1er juillet 2022, avant de se rendre en Suisse pour une mort volontaire assistée. Ce message est transmis selon ses directives et avec l’accord de son compagnon, de ses parents et de son frère qui l’ont accompagnée jusqu’à son dernier regard.



Cette lettre est mon témoignage.
Je m'appelle Salomé Rauxet, j'ai 30 ans et je souffre d'un cancer du cerveau, un glioblastome de stade IV depuis 2019. C'est une grave maladie incurable, sans espoir de guérison en l'état actuel de la médecine dans ce domaine. Je suis infirmière et j'ai été touchée à de multiples reprises par la mort qui fait partie intégrante de la vie. Je vous exprime donc mon témoignage à travers ma propre expérience mais aussi celles des nombreux patients que j'ai pu accompagner jusqu'à la mort. Un chemin de vie que je partage aujourd'hui.

Je suis dans une impasse. Je me suis battue contre ce cancer pendant près de 3 ans, après l'opération, la radiothérapie et les multiples chimiothérapies, je souhaite maintenant simplement partir en paix. Il n'y a plus de traitement pour moi et je souffre terriblement. Mon quotidien est gravement touché par mes symptômes invalidants. Je souhaite aujourd'hui en terminer avec cette souffrance intolérable et partir en toute dignité, l'esprit en paix, plutôt que de faire traîner dans la durée une finalité qui est inévitable. Je pense que toute personne ayant parfaitement conscience est responsable de ses actes et a le droit de vouloir continuer à vivre ou à mourir.

Ce témoignage sert aujourd'hui à démontrer l'hypocrisie dans laquelle on vit en République Française, pays démocratique de liberté, d'égalité et de fraternité. J'aime mon pays mais il y a encore du chemin, des améliorations, des évolutions à apporter aux lois pour qu'il soit digne de sa devise. Aujourd'hui je suis déçue de mon pays.

Je souhaite mettre en lumière la loi de 2005, dite loi Leonetti, première loi spécifique à la fin de vie, introduisant l’interdiction de l’obstination déraisonnable. Tout patient est en droit de considérer qu’un traitement constitue pour lui une obstination déraisonnable et peut le refuser, même si ce refus peut avoir des conséquences vitales. Enfin, la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, ouvre également la possibilité pour le patient de demander l’accès à une sédation profonde et continue jusqu’au décès. L’accès à ce droit est encadré par des conditions très strictes : le patient doit « souffrir de façon insupportable » et son décès doit être reconnu comme inévitable et imminent. Ces mots sont si puissants et intolérables à lire lorsque nous sommes confrontés à de telles situations extrêmes de supplice, de peine mais aussi d'urgence. Dans toutes mes épreuves endurées, je ressens ce lourd sentiment d'abandon, d'abandon de compassion, d'abandon d'empathie et d'abandon de mes droits. Pour toutes les raisons évoquées, ces deux lois, bien que nécessaires, me paraissent complètement insuffisantes et indignes de l'image que j'ai de la France. Elles ne suffisent pas à apaiser la détresse et la souffrance physique mais aussi mentale des personnes en fin de vie et de leur entourage. Les proches, souvent oubliés, sont les victimes collatérales de ce déferlement de souffrance induit par ce manque de lois.

Songez à notre humanité et faites que notre liberté demeure entière jusqu'au dernier souffle. Si notre vie nous appartient, il doit absolument en être de même pour notre mort, ne croyez-vous pas ?
Ne voyant pas d'évolution rapide des lois en France concernant la mort volontaire assistée, je me retrouve face à cette seule possibilité de mourir en paix dans un pays frontalier légalisant cet acte. Ayant vécu libre et digne, je ne peux imaginer mourir enchaînée et contrainte, c'est pourquoi mon cheminement continuera en Suisse.
Je suis triste de ne pas avoir cette possibilité de mourir à domicile dans mon pays de cœur. J'espère que les lois évolueront dans ce sens et le plus rapidement possible pour que tous les Français puissent choisir leur fin de vie.

J'aimerais une décision politique courageuse de mettre à l’ordre du jour un projet de loi sur la fin de vie dans la dignité. Il est temps d'agir dans le respect de l'être humain dès le commencement de la vie et jusqu'à la fin.

Salomé Rauxet

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