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Le Serment d’Hippocrate, un obstacle à la légalisation de l'euthanasie ?

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Communiqué
17 février 2021
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Voici le Serment d’Hippocrate tel qu’il aurait été initialement rédigé au IVème siècle avant Jésus-Christ :
« Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l'engagement suivants :
Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon savoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s'ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du reste de l'enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul autre.
Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif. Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté.
Je ne pratiquerai pas l'opération de la taille, je la laisserai aux gens qui s'en occupent.
Dans quelque maison que j'entre, j'y entrerai pour l'utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.
Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas.
Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire ! »

Inutile de pointer du doigt le caractère archaïque de ce texte. Il a été rédigé au temps de Platon, d’Aristote et d’Alexandre le Grand… L’avortement et la chirurgie de la vésicule biliaire étaient alors interdits. L’enseignement de la médecine se faisait à titre gracieux, les maîtres de médecine avaient le même caractère sacré que ses propres parents…

Au fil des époques, et selon les lieux, ce Serment a évolué. Il n’est plus unique et offre actuellement plusieurs versions.

En 2012, le Conseil national de l’Ordre des médecins rédige une nouvelle version, qui n’a pas de portée universelle. Un passage dit : « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. » C’est derrière ce passage que certains se retranchent pour prétendre faussement que l’aide active à mourir serait contraire aux valeurs de la médecine.
Pourtant, outre le fait que le Serment d’Hippocrate est un texte qui évolue (l’avortement est légalisé depuis près de 40 ans, la chirurgie de la vessie est devenue une opération courante, les professeurs de médecine sont – évidemment ! – rémunérés…) et qui évoluera encore nécessairement, ces trois phrases brandies comme un étendard confortent en vérité notre revendication. Examinons-les de plus près…

L’aide active à mourir, qui respecte absolument la volonté du patient, n’est demandée – et obtenue – qu’en présence de souffrances devenues intolérables. A cet égard, la proposition de loi de l’ADMD, adoptée par ses adhérents en octobre 2018, dans son article 2, indique que la personne qui demande une aide active à mourir doit endurer « une souffrance physique ou psychique inapaisable qu’elle juge insupportable ou la plaçant dans un état de dépendance qu'elle estime incompatible avec sa dignité... » L’aide active à mourir revendiquée par l’ADMD a donc bien pour but de soulager les souffrances…
L’aide active à mourir, qu’il s’agisse de l’euthanasie active ou du suicide assisté selon la personne qui pratique l’administration létale, s’oppose à l’acharnement thérapeutique qui, elle, prolonge abusivement les agonies. Les partisans du statu quo actuel déplorent eux-mêmes l’obstination déraisonnable encore trop fréquente dans les hôpitaux français. Grâce à l’aide active à mourir, qui respecte la volonté du patient en fin de vie et les consciences de chacun, un terme est mis aux agonies inutiles. Il est vrai que certains, en raison de leur foi personnelle que nul ne songera à leur reprocher, trouvent de la vie dans l’agonie. Mais qu’ils entendent que pour la majorité d’entre nous, l’agonie n’est que de la survie…
Enfin, l’aide active à mourir n’est pas un assassinat. Il ne s’agit pas de tuer, comme voudraient nous le faire croire des militants des mouvements anti-choix. L’aide active à mourir permet, pour des personnes en fin de vie, en instance de mort, condamnées par la médecine, d’entrer dignement dans la mort. Dignement, parce que selon leur propre volonté et conformément à leur capacité à surmonter la souffrance. Et il apparaît qu’aider une personne à entrer dignement dans la mort permet de respecter le 3ème alinéa du Serment de 2012, à savoir : «  Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. »

Aussi, l’aide active à mourir, le droit de mourir dans la dignité, loin d’être en opposition au Serment d’Hippocrate actuellement proposé par le Conseil de l’Ordre des médecins, permet d’offrir aux médecins une façon digne et respectueuse d’accompagner aux portes de la mort des personnes qui n’ont plus la capacité de vivre ; et aux patients en fin de vie, une véritable alternative maitrisée à la souffrance...

PhL